Pablo PICASSO et la céramique

Sévres, cité de la céramique, accueille jusqu'au  19 mai  2014 une exposition des oeuvres céramiques de Pablo PICASSO. La Cité organise à cette occasion, le 24 mars, un colloque "Picasso, céramiste?" où les spécialistes de ce domaine seront présents. 

 Picasso aurait réalisé directement 4000 oeuvres en céramique. Sèvres en a retenu 150 qui  donnent un apperçu significatif du travail réalisé par l'artiste et l'atelier de Madoura à Vallauris qui l'a accueilli. Les moules de céramique de Madoura pour servir de suport au travail du peintre et donnés à Sévres occupent à juste titre une place importante dans la présentation.

Picasso a donné son accord à Madoura pour que des multiples de certains de ses originaux soient réalisés. Se faisant, il a aussi ouvert la voie à de nombreux suiveurs qui ont probablement limité la force de son message, n'ayant pas son génie. Mais l'artiste était au dessus de ces contingences et il a apprécié cette communauté artistique et économique qui s'est créée autour de la céramique à Vallauris et sa région.

Il s'agit donc pour cette exposition le plus souvent de coproductions où Picasso s'appuie sur les céramiques proposées par l'atelier Madoura. Le plus surprenant est la capacité du peintre à transcender des formes et des matériaux traditionnels. Les volumes sont mis à profit pour donner un rythme plus ample que ne permet pas la toile.

La partie plus classique où il appose un décor est moins exaltante que les oeuvres où Picasso se saisit de la terre, déforme un vase, utilise une plaque, ou reprend tout morceau de terre qui se trouve à sa portée. Une exposition au musée Picasso de Barcelone avait mis l'accent il y a une dizaine d'années sur cet aspect où la sculpture rejoint la peinture.

Dans l'immédiat aprés-guerre, Picasso a réalisé une véritable révolution en France dans le décor de la faïence et dans une moindre mesure dans la céramique en général. A cette époque la modernité se traduisait par les travaux en grés de Beyer et Decoeur. Les écoles des Beaux arts et la Manufacture de Sèvres se maintenaient dans une réalité peu convaincante qui allait être balayée par l'abstraction à partir de 1950. L'exposition internationale de céramique de 1955 à Cannes montre un grand buste de Picasso tronant au milieu de l'exposition. A cette époque la libération de la céramique est en bonne voie et tester d'autres chemins. 

Picasso utilise la faîence comme un nouveau champ d'expression de la liberté retrouvée après guerre. De ce fait il libére tous les céramistes des normes esthétiques et culturelles qui subsistaient dans les institutions et chez les amateurs. Ceux-ci connnaissaient peu les recherches des Italiens (Fontana, etc.) en particulier et  l'avant-garde de la sculpture et de la peinture en général.

Il s'appuie aussi sur sa vaste culture méditerranéenne et en particulier sur les chefs d'oeuvre de la céramique hispano-mauresque. Les milieux cultivés et les peintres du XXè siécle espagnol  en avait une bonne connaissance. Or celle-ci est déjà marquée par la liberté du trait et un certain humour. Il suffit pour cela de visiter l'atelier de Sorolla à Madrid ou le musée de la céramique du chateau Pedralbes à Barcelone pour envisager cette question. On peut se demander quelles sont les interactions de ces oeuvres du XVème  siécle sur la peinture et la céramique de Picasso. La présence de quelques céramiques anciennes ont été à juste titre incluses dans l'exposition. Des dessins et peintures auraient donc été également utiles pour éclairer le visiteur. 

Les céramiques présentées ouvrent donc la voie à de multiples questions sur la place de la céramique dans l'histoire de l'art de l'aprés-guerre. Aujourd'hui où de nombreux artistes utilisent la terre comme média en faisant réaliser leurs oeuvres par des "spécialistes", il faut noter que Picasso a mis lui même les mains dans l'argile et que c'est là qu'il a été le plus créatif.

 

 

Propulsé par Drupal